En droit du travail, les ententes de fin d’emploi donnent généralement lieu à la rédaction de documents intitulés « transaction quittance ». Un tel document prévoit alors que l’employeur et le travailleur (et/ou le syndicat, s’il y a lieu) acceptent de mettre fin à leur litige et renoncent notamment, par la quittance, à intenter tout recours éventuel en lien avec différentes situations ayant eu cours durant l’emploi ou avec la fin d’emploi en soi.

Une décision1 récente du tribunal administratif du travail (ci-après le « Tribunal ») rappelle toute l’importance de bien rédiger cesdites ententes de règlement afin que les parties puissent réellement tourner la page.

Les faits

En janvier 2021, une éducatrice en garderie chute au travail lorsqu’un enfant retire la chaise sur laquelle elle allait s’asseoir. La travailleuse produit alors une réclamation à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (ci-après la « CNESST ») afin de faire reconnaître cet événement à titre de lésion professionnelle. Sa réclamation est rejetée par la CNESST et ensuite par l’instance de révision, ce qui amène la travailleuse à contester celle-ci devant le Tribunal.

En parallèle de cette contestation, l’employeur met fin à l’emploi de la travailleuse en mai 2021 et le syndicat va contester ce congédiement par grief. Quelques jours avant le début de l’arbitrage prévu en novembre 2022, les parties conviennent d’un règlement pour mettre fin au litige. Ils conviennent à ce moment de se donner mutuellement quittance sur :

« toute somme due, de tout dommage, ou de toute réclamation, en vertu de quelque loi que ce soit, découlant ou pouvant découler de l’emploi de Madame (…) auprès de l’Employeur et/ou de la cessation de son emploi auprès de l’Employeur; »2

C’est sur la base de cette quittance que l’employeur présente ensuite un moyen préliminaire devant le Tribunal afin de demander le rejet de la réclamation de la travailleuse pour lésion professionnelle. En effet, la travailleuse maintenait sa réclamation devant le Tribunal en prétendant que, selon sa compréhension et les informations apportées par son représentant syndical, la quittance concernait uniquement son congédiement.

La décision et les principes à retenir

Le Tribunal va donner raison à la travailleuse, principalement parce que la renonciation aux droits n’a pas été rédigée de manière suffisamment précise et claire pour englober la réclamation de lésion professionnelle de la travailleuse. En effet, le Tribunal estime que si l’intention des parties était de mettre fin à la totalité des litiges impliquant la travailleuse, elles auraient dû formellement identifier le litige de santé et sécurité au travail dans la quittance.

Le Tribunal se range alors derrière le courant jurisprudentiel voulant qu’une renonciation à des droits nécessite l’existence d’une clause précise qui fait référence de manière claire aux droits auxquels on entend renoncer. 

Cette affaire nous renseigne également de manière importante qu’un recours visant à reconnaître un événement à titre de lésion professionnelle n’est pas un « recours contre un employeur », mais seulement l’« exercice d’un droit ». Du point de vue du Tribunal, les réclamations pour lésions professionnelles sont l’exercice d’un droit qui n’oppose pas le travailleur à son employeur, mais le travailleur et la CNESST. 

Il est donc très important pour les employeurs d’accorder une attention particulière à la manière dont les ententes sont rédigées, surtout dans le contexte où un dossier fait intervenir des considérations de santé et sécurité du travail. En effet, la conclusion du Tribunal à l’effet que la réclamation d’un travailleur pour lésion professionnelle oppose seulement le travailleur et la CNESST est vraie en principe, mais il n’en demeure pas moins que de telles réclamations peuvent avoir un impact financier important pour l’employeur, notamment eu égard à son taux de cotisation. 

En outre, nous profitons pour rappeler aux lecteurs que des modifications fiscales importantes sont entrées en vigueur en 2023. Certaines de ses modifications concernent l’obligation de divulguer les ententes de fin d’emploi au fisc lors de situations particulières. Cette obligation de divulgation, si applicable, n’est pas à prendre à la légère et milite en faveur d’un accompagnement juridique adapté. Notre équipe en droit du travail et de l’emploi demeure disponible pour vous accompagner dans vos discussions de règlement et la rédaction d’entente pouvant en résulter. Nous vous invitons à communiquer avec nous pour toute question.

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[1] Gueye et CPE Maimonide Côte St-Luc, 2024 QCTAT 213.

[2] Id., par.18.