Dans une récente affaire1, un arbitre se prononce sur la légalité de l’installation de systèmes de Télémétrie-GPS dans l’ensemble des véhicules de compagnie d’un employeur, afin de recueillir des données sur leur vitesse. Considérant la nature des informations récoltées, l’utilisation qui en est faite et l’objectif poursuivi, l’arbitre conclut qu’il ne s’agit pas d’une condition de travail abusive pour les travailleurs, et que l’installation de tels systèmes ne porte pas atteinte à leur vie privée.

Les faits

L’employé est à l’emploi d’Hydro-Québec depuis 1988 à titre d’Agent, relevé de terrain. Dans le cadre de ses fonctions, il se déplace avec un véhicule de service, lequel est muni d’un dispositif de télémétrie GPS. Lorsque le véhicule dépasse la limite de vitesse, l’employeur est alerté, ce qui contribue notamment à réduire les risques d’accidents découlant d’une conduite inappropriée. L’employé a connaissance que le véhicule qu’il utilise est muni d’un tel dispositif, et il sait que l’employeur est en mesure de connaître l’existence des dépassements des limites de vitesse.

Le 1er juin 2021, le dispositif enregistre une vitesse de 130 km/h, alors que le requérant circule sur une autoroute où la limite de vitesse est fixée à 100 km/h. L’employeur décide de sanctionner l’employé en lui imposant une suspension d’une journée.

À la suite de la suspension sans solde d’une journée d’un travailleur pour conduite non sécuritaire, son syndicat a déposé un grief demandant l’annulation de cette sanction, le retrait de la mesure et le remboursement du salaire perdu, avec pleine compensation monétaire pour tous les dommages et préjudices subis. Le syndicat estimait que les systèmes GPS installés sur les véhicules de l’employeur constituaient une surveillance constante et une condition de travail déraisonnable au sens de la Charte des droits et libertés de la personne.

La décision

Dans ses motifs, l’arbitre traite d’abord de la question de la condition de travail injuste et déraisonnable. Il indique qu’en général, « la jurisprudence arbitrale reconnaît qu’une surveillance constante ou continue par caméra ou en audio d’un travailleur, durant sa prestation de travail, constitue une condition de travail déraisonnable ». Tel n’est pas le cas en l’espèce.

La surveillance effectuée par le système de télémétrie GPS est uniquement dirigée à l’égard des véhicules. Le système signale les situations où une vitesse de 120 km/h est atteinte pendant plus de trente (30) secondes. Ainsi, ce n’est que lors d’un incident bien défini par les paramètres du système et lié à la conduite du véhicule que des données dépersonnalisées sont enregistrées, analysées et transmises au Directeur responsable du véhicule pour suivi. Ce n’est qu’à cette dernière étape que l’utilisateur est identifié par le Directeur afin d’assurer un suivi auprès de ce dernier. Pour ces raisons, le tribunal en vient à la conclusion qu’il ne s’agit pas d’une surveillance constante et continue et, par conséquent, d’une condition de travail contraire à la loi, injuste ou déraisonnable.

Quant à l’atteinte à la vie privée, l’arbitre rappelle que la protection de la vie privée au travail est limitée, hormis les situations concernant les toilettes ou les salles de repos. En l’espèce, les informations transmises par le système de télémétrie GPS sont dépersonnalisées et ne contiennent aucune information sur le travailleur au volant d’un véhicule. Seules les informations vérifiées et validées concernant un excès de vitesse sont transmises au Directeur pour en assurer un suivi et sensibiliser le conducteur aux risques d’accident. Ces informations proviennent directement du véhicule et sont limitées aux objectifs de protection des véhicules, mais également de la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs et du public.  À la lumière de ces faits, le tribunal détermine que les données transmises par le système de Télémétrie-GPS ne constituent pas une condition de travail qui porte atteinte à la vie privée du travailleur.

Finalement, en lien avec la mesure disciplinaire imposée au salarié, l’arbitre indique que la suspension d’une (1) journée constitue une mesure inadéquate et disproportionnée dans les circonstances puisque l’employeur n’a pas tenu compte des facteurs atténuants, tels que le dossier disciplinaire vierge du requérant, ses trente-trois (33) ans d’ancienneté et du fait qu’il s’agit d’un premier incident de cette nature qui le concerne2. De l’avis du tribunal, l’employeur aurait dû suivre la procédure de gradation des sanctions contenue dans son plan de suivi des dépassements de limite de vitesse. Ainsi, la suspension est substituée par un avis écrit, jugé comme étant une mesure juste et raisonnable afin de sensibiliser le travailleur aux risques reliés à un excès de vitesse.

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[1] Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de techniques et de bureau d’Hydro-Québec (SCFP-FTQ, section locale 2000), 2024 QCTA 211.

[2] Hydro-Québec et Syndicat des employé-e-s de techniques et de bureau d’Hydro-Québec (SCFP-FTQ, section locale 2000), supra, note 1, par. 118