Les régimes de protection des marques de commerce au Canada et aux États-Unis connaissent des évolutions significatives en ces premiers mois de 2025.
En lisant ce qui suit, vous comprendrez rapidement en quoi :
- Au Canada, l’importance de soutenir l’enregistrement d’une marque par une utilisation de celle-ci et d’ajuster ses pratiques face à de nouveaux moyens d’intervention du registraire s’accentue.
- Aux États-Unis, les frais supplémentaires et les exigences accrues au niveau des demandes d’enregistrement exigent une préparation plus soignée.
Du côté canadien, à compter du 1er avril 2025
Le 1er avril 2025, de nouvelles modifications au Règlement sur les marques de commerce entrent en vigueur au Canada. Ces changements visent à accroître l’efficacité et à réduire les comportements abusifs dans les affaires contentieuses en matière de marques de commerce.
Principales modifications à retenir
- Obligation de démontrer l’emploi d’une marque
Désormais, pour pouvoir obtenir réparation lors de procédures en contrefaçon, un titulaire de marque doit démontrer l’emploi d’une marque de commerce au cours des trois premières années suivant son enregistrement. En conséquence, il ne suffit plus de détenir un enregistrement; il faut que cet enregistrement soit soutenu par une utilisation au Canada pour bénéficier d’une protection valable en cas de litige.
- Nouveaux moyens d’intervention du registraire des marques de commerce
Le registraire a plusieurs nouveaux outils à sa disposition, notamment :
- Adjuger des frais dans les procédures d’opposition et de radiation, pour limiter les abus. Concrètement, une partie pourrait être tenue de payer des frais si, par exemple, elle fait des demandes divisionnaires injustifiées, annule une audience à la dernière minute ou maintient des arguments sans fondement. Les entreprises ayant eu tendance à recourir à de telles tactiques devront agir avec plus de retenue dorénavant.
- Gérer plus efficacement les instances pour éviter les retards. Concrètement, le registraire peut ajuster les délais afin de synchroniser des procédures connexes, organiser une conférence téléphonique avec les parties sur la planification et la tenue des audiences et encadrer les comportements non coopératifs. Pour les entreprises, cela signifie de meilleurs délais dans les procédures et des économies potentielles en frais juridiques.
- Resserrement des ordonnances de confidentialité, qui sont considérées comme des exceptions au principe de publicité des débats judiciaires et qui affectent la possibilité de rendre des décisions faisant état de l’ensemble des faits pertinents qui les motivent. Concrètement, il devient plus difficile pour les entreprises de soustraire des renseignements sensibles du dossier par ce moyen lorsque d’autres mesures valables existent, comme le caviardage ou l’introduction en preuve de données moins précises tout en étant suffisantes.
- Neutralisation de marques officielles invalides
Une marque officielle annoncée comme détenue par une entité qui n’est pas une autorité publique ou qui n’existe plus pourra être ignorée plus facilement. Jusqu’à présent, contester l’effet d’une marque officielle nécessitait une démarche coûteuse devant la Cour fédérale. Dorénavant, un mécanisme administratif permet au registraire, de sa propre initiative ou à la demande d’une personne intéressée, d’émettre un avis public indiquant que l’interdiction entourant une marque officielle ne s’y applique plus. Ceci devrait aider à nettoyer le registre de marques officielles n’ayant plus d’objet et ouvrir la voie à l’emploi de cette marque ou d’une marque semblable par une entreprise.
- Restriction quant à la preuve additionnelle dans les appels devant la Cour fédérale
Précédemment, dans un appel d’une décision du registraire devant la Cour fédérale, il pouvait toujours être apporté de la preuve en plus de celle qui avait été fournie devant le registraire. Désormais, cette preuve additionnelle dépend de la permission du tribunal. Une partie devrait donc veiller à ce que toute la preuve pertinente en soutien à sa position soit introduite dès l’instance devant le registraire.
Du côté Américain, depuis janvier 2025
Le 18 janvier 2025, l’Office des brevets et des marques des États-Unis (USPTO) a complété sa migration vers Trademark Center, une nouvelle plateforme centralisant le dépôt et la gestion des marques et réduisant les délais de traitement. Elle comporte des fonctionnalités telles que l’enregistrement automatique des brouillons, leur partage, une vérification d’identité et la restriction de certaines actions selon le rôle d’un utilisateur. Elle est appelée à devenir un environnement numérique unifié pour l’enregistrement, la recherche et d’autres services gouvernementaux liés aux marques dans ce pays.
Ce changement s’accompagne des éléments suivants :
- Consolidation du système et hausse de frais de demande
- Suppression d’anciens formulaires et systèmes (TEAS Plus et TEAS Standard) au profit d’un frais de base unique de 350 $ US par classe.
- Augmentation des frais pour les demandes et désignations subséquentes via le système de Madrid (600 $ US par classe, au lieu de 500 $ US précédemment).
- Introduction de nouveaux frais pour favoriser les demandes normalisées
- +100 $ US par classe en cas de renseignements manquants ou insuffisants;
- +200 $ US par classe pour l’utilisation du champ de texte libre au lieu du Trademark ID Manual pour décrire les produits et/ou services;
- +200 $ US pour chaque groupe supplémentaire de 1 000 caractères dans la zone de texte libre au-delà des 1 000 premiers.
- Hausse des coûts de maintien des enregistrements
- Les déclarations d’emploi passent de 225 $ à 325 $ US par classe.
- Les renouvellements passent de 300 $ à 325 $ US par classe.
Une occasion de réévaluer son approche ?
Ce contexte de changements devrait inciter les entreprises à revoir leur approche et certaines de leurs habitudes en matière de protection des marques.
Que faire à présent ?
- Répertorier ses marques: identifier ses marques enregistrées qui ne sont pas employés et celles qui le sont sans être enregistrées.
- Réévaluer sa stratégie de dépôts : Si une entreprise veut commercer dans plusieurs pays, elle devrait évaluer l’intérêt d’opter pour le système de Madrid concernant ses marques, qui permet d’obtenir une protection multi-juridictionnelle via une seule demande, surtout dans le contexte où une diversification des sources de clientèles est recherchée.
- Rationaliser ses demandes d’enregistrement : préparer les demandes pour les rendre les plus compatibles possibles avec l’éventail des exigences de forme non seulement au Canada mais à l’étranger.
- Adapter ses pratiques dans les affaires contentieuses en matière de marque de commerce pour tenir compte des nouveaux pouvoirs du registraire canadien et des ajustements dans la gestion des litiges et des oppositions.
Compte tenu de ces évolutions, il peut être opportun de consulter un professionnel du droit des marques afin d’optimiser ses méthodes et adapter sa stratégie aux nouvelles réalités réglementaires et tarifaires.