Après plusieurs séances de débats parlementaires depuis octobre 2023, le projet de loi 31, la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation (ci-après « Loi 31 »), a été adopté le 21 février 2024.

Cette nouvelle loi omnibus apporte plusieurs modifications à un bon nombre de lois, plus précisément, aux lois suivantes :

  • Code civil du Québec;
  • Loi sur les cités et villes (chapitre C-19);
  • Code municipal du Québec (chapitre C-27.1);
  • Loi sur l’aménagement et l’urbanisme (chapitre A-19.1);
  • Loi sur la Communauté métropolitaine de Montréal (chapitre C-37.01);
  • Loi sur les compagnies (chapitre C-38);
  • Loi sur les coopératives (chapitre C-67.2);
  • Loi sur la fiscalité municipale (chapitre F-2.1);
  • Loi sur la Société d’habitation du Québec (chapitre S-8);
  • Loi sur les sociétés de transport en commun (chapitre S-30.1); 
  • Loi sur le Tribunal administratif du logement (chapitre T-15.01); et
  • Loi visant principalement l’encadrement des inspections en bâtiment et de la copropriété divise, le remplacement de la dénomination de la Régie du logement et l’amélioration de ses règles de fonctionnement et modifiant la Loi sur la Société d’habitation du Québec et diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal (2019, chapitre 28).

La présente, sans faire une analyse exhaustive de tous les changements législatifs de la Loi 31, résume certains des changements importants.

Contrôle des hausses des loyers

Avec les changements législatifs apportés à l’article 1955 du Code civil du Québec, le locateur d’un immeuble, incluant un immeuble neuf ou nouvellement rénové, doit établir à l’avance dans le bail les hausses du loyer auxquels il aura droit, à défaut de quoi, le locataire pourra contester ces hausses. À l’occasion de la conclusion d’un bail résidentiel, le locateur et le locataire d’un logement situé dans un immeuble visé par cet article devraient donc négocier le montant du loyer maximal que le locateur pourrait demander dans les cinq prochaines années à la Clause F du bail résidentiel.

Dans la même veine, la nouvelle modification législative apportée à l’article 1896 du Code civil du Québec prévoit la possibilité pour le locataire de réclamer des dommages-intérêts punitifs si le locateur fait une fausse déclaration ou omet de remplir la Clause G du bail résidentiel relative à la déclaration du loyer le plus bas du logement visé dans les 12 derniers mois.

Restrictions en matière d’éviction

L’amendement apporté à l’article 1965 du Code civil du Québec vient établir un seuil minimum pour le montant de l’indemnisation qu’un locateur doit payer à un locataire qu’il veut évincer, soit « des frais raisonnables de déménagement ainsi qu’une indemnité équivalente à un mois de loyer pour chaque année de location ininterrompue du logement par le locataire, laquelle ne peut toutefois excéder un montant représentant 24 mois de loyer ni être inférieure à un montant représentant 3 mois de loyer ». Un locateur n’est pas obligé de payer des dommages-intérêts réclamés par un locataire résultant d’une éviction s’il démontre que l’éviction a été faite de bonne foi. Toutefois, si la mauvaise foi du locateur est démontrée, il pourrait être condamné à des dommages-intérêts punitifs (article 1968 du Code civil du Québec).

Cession de bail

L’ajout à la section 8.1 à la Loi 31, des nouveaux articles 1978.1 et suivants du Code civil du Québec, intitulée « De la cession du bail » a fait couler beaucoup d’encre durant la période de débat menant à l’adoption de la Loi 31. Les nouvelles dispositions permettent, entre autres, à un locateur de refuser une demande de cession de bail de la part d’un locataire sans avoir de motifs sérieux. À l’occasion d’un tel refus, le bail est alors résilié à la date de cession indiquée dans l’avis transmis par le locataire. Cette nouvelle section prévoit également qu’un locataire ne pourra plus faire de cession ou de sous-location de bail à profit.

Modifications apportées à la Loi sur le Tribunal administratif du logement

L’article 28 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement, établit une nouvelle compétence partagée pour que ce Tribunal peut être saisi en première instance de toute demande relative à une ordonnance ou une autorisation visée aux articles suivants du Code civil du Québec : 1863 (le recours en dommages-intérêts ou l’exécution en nature en cas de non-respect par l’une ou l’autre des parties au bail de leurs obligations), 1867 (obtenir l’autorisation du tribunal pour exécuter les travaux de réparations auxquels est tenu le locateur), 1917 (la demande de faire déclarer le logement impropre à l’habitation par un tribunal) et 1918 (obtenir l’autorisation du tribunal pour effectuer certains travaux pour empêcher que le logement visé devienne impropre à l’habitation) et ce, même lorsque la somme demandée ou la valeur de la chose réclamée ou de l’intérêt du demandeur dans l’objet de la demande dépasse le montant de la limite monétaire supérieure de compétence concurrente de la Cour du Québec de 100 000$ (article 35 du Code de procédure civil).

De plus, les nouveaux libellés des articles 72 et 74 de la Loi sur le tribunal administratif du logement simplifient les exigences en matière de représentations des parties devant le Tribunal administratif du logement, tant pour les personnes physiques que les personnes morales, en permettant à une partie d’être représentée par un mandataire de son choix.

Logements abordables et étudiants

La Loi sur la fiscalité municipale a été modifiée, entre autres, afin que la Commission municipale du Québec puisse accorder une exemption aux fins de taxes foncières en faveur d’un utilisateur qui exerce une activité admissible, entre autres, « la location de logements à des personnes inscrites » dans un établissement d’enseignement tel que défini dans la Loi, par exemple les universités (article 243.8 Loi sur la fiscalité municipale). Parallèlement, l’exemption des taxes foncières de plein droit en faveur d’ « un établissement universitaire au sens de la Loi sur les investissements universitaires » dont bénéficiaient certains organismes à but non lucratif a été remplacée par un « établissement de niveau universitaire visé aux paragraphes 1 à 11 de l’article 1 de la Loi sur les établissements d’enseignement de niveau universitaire » ce qui a pour effet, entre autres, d’exclure de cette exemption « toute personne morale dont l’objet est de construire et administrer des résidences d’étudiants de niveau universitaire ».

Ces dispositions doivent se lire en parallèle avec l’ajout de l’article 36.2 à la Loi 31 qui a pour effet d’exempter de toute taxe foncière un immeuble inscrit « au nom d’une personne morale à but non lucratif dont l’objet est de de construire et administrer des résidences d’étudiants de niveau universitaire » et ce, pour une période de 5 ans à partir de la date de sanction de cette loi.

Accélérer la réalisation de projets d’habitation (article 37.2 de la Loi 31)

La Loi 31 ajoute certains outils aux municipalités afin de favoriser une plus grande disponibilité de logements abordables sur leur territoire. Ces dispositions leur permettront de déroger, pour les délais et selon les critères prévus par cette loi, à leur propre réglementation afin de permettre la réalisation du projet d’habitation visé.

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La Loi 31 a été présentée comme une solution législative voulant être une réponse de la part du gouvernement à une crise de logement sans précédent qui se fait sentir partout au Québec. 

Ces modifications auront certainement un impact important sur les intervenants de cette industrie de l’habitation, qui devront dès maintenant, s’adapter et apprendre à naviguer à travers la nouvelle réalité qu’impose l’adoption de la Loi 31.