Communément appelée « Dashcam » ou encore « caméra embarquée » par les plus rigoureux locuteurs de la langue de Molière, cet outil, de plus en plus présent dans l'industrie, ne cesse de s'imposer comme un incontournable auprès des équipes de conformité, mais également, comme élément phare mettant en lumière le comportement d'un transporteur lors d'une audience devant la Commission des transports du Québec.
La Commission des transports du Québec
Chose certaine, la présence de plus en plus répandue des caméras embarquées à bord des véhicules lourds circulant sur nos routes n'a pas échappé aux oreilles de la Commission des transports du Québec (ci-après : « CTQ »).
Prenons pour exemple la décision Transports Jenkins ltée, 2019 QCCTQ 935. Dans cette affaire, le dossier de l'entreprise avait été transmis, et ce, pour une sixième fois, à la CTQ en raison de l'inscription à son dossier d'un événement en lien avec l'alcool, de même que l'atteinte du seuil de 75% de points à ne pas atteindre pour l'ancienne zone de comportement « sécurité des opérations ».
En résumant le témoignage de l'entreprise au courant de l'audience, la CTQ mentionne :
« {86} Elle [Transports Jenkins ltée] a récemment fait l'essai de caméras embarquées à bord de quatre tracteurs de semi-remorque qui permettent de vérifier le comportement des conducteurs, notamment en faisant le lien entre les images perçues par la caméra et les données du camion.
[88] À ce sujet, à la suite de la preuve faite par TJL, la Commission est d'avis que l'installation de ce type de caméras embarquées dans les camions de l'entreprise est de nature à améliorer le comportement de ses conducteurs et donc de la sécurité des opérations. »[1](nos soulignements et mises en évidence)
Combinée aux outils de télémétrie, la caméra embarquée permet de vérifier le comportement d'un conducteur en cas d'accident, d'infraction ou même suivant un « freinage brusque ». Ce faisant, le transporteur a en main un outil puissant lui permettant d'effectuer des suivis personnalisés auprès de certains conducteurs à risque en observant directement leur comportement sur la route.
Il va sans dire que leur installation par un transporteur dénote – à elle seule – une réelle sensibilité et une sincère volonté d'améliorer le comportement de ses conducteurs afin d'assurer la sécurité de tous les usagers de la route.
La CTQ mentionne ainsi dans la décision Modu-Loc Fence Rentais LP, 2020 QCCTQ 1811 :
« [54] Les véhicules lourds de ModuLoc sont également munis d'un dispositif de caméras limitant les risques d'accident.
[55] Ces initiatives démontrent que la société est soucieuse de sensibiliser ses conducteurs à l'adoption d'un comportement routier sécuritaire. »[2](nos soulignements et mises en évidence)
Suivi des événements inscrits à l'état de dossier du comportement du propriétaire ou de l'exploitant de véhicules lourds (ci-après : « dossier PEVL »)
Les vidéos recueillies s'avèrent sans contredit un allié précieux lorsque vient le temps d'établir la part de responsabilité attribuable à un transporteur lors d'un accident. Témoin autant infatigable qu'infaillible, une vidéo permet par son analyse d'identifier clairement et sans contredit le comportement de chaque partie et de potentiellement prouver la non-responsabilité du transporteur.
De même façon, une vidéo permet de revivre les instants de la perpétration reprochée d'une infraction et de répondre concrètement à d'éternelles questions qui ne pouvaient auparavant que reposer sur la crédibilité d'un défendeur à procès, telle que : le feu de circulation était-il rouge ou jaune?
En effet, dans le cadre de négociations, lorsque la version d'un conducteur est aux antipodes avec celle de l'agent ayant remis un constat d'infraction, la poursuite refusera quasi systématiquement, et avec raison, de procéder à tout retrait des accusations. Or, la présence d'une vidéo permettra d'analyser froidement la situation et d'établir, en reprenant notre exemple, que le feu était au jaune et non au rouge. Le tout évitant un procès plusieurs mois après l'infraction de même que les frais reliés à cette avenue.
Finalement, comme mentionné ci-haut, l'utilisation de caméras embarquées conjuguée avec un système de télémétrie permet de détecter la présence d'un comportement à risque et donc de l'adresser de façon adéquate auprès du conducteur avant même la survenance de tout accident ou infraction. Cette nouvelle façon de faire permet de se placer en prévention et non seulement en réaction. Évidemment, même à ce dernier stade, elle facilite le suivi disciplinaire et la mise en place d'un plan d'encadrement auprès d'un conducteur fautif impliqué dans un accident ou s'étant vu remettre un constat d'infraction.
En terminant, il va sans dire que pour être pleinement utiles, l'installation et l'utilisation de caméras embarquées doivent se faire en adéquation avec l'instauration d'un processus de vérification et de traitement de ces nouvelles données par le transporteur.
[1] Transports Jenkins ltée, 2019 QCCTQ 935, par.86 et 88
[2] Modu-Loc Fence Rentais LP, 2020 QCCTQ 1811, par. 54 et 55
Cette publication a été présentée dans le Transport Magazine.