Pas facile la vie d’un transporteur!
En plus des diverses obligations auxquelles est soumis un transporteur en vertu du Code de la sécurité routière, le transporteur est également visé par un régime de responsabilité particulier en cas de réclamation pour des dommages à la cargaison prévu au Code civil du Québec (C.c.Q).
Pour être visé par ce régime particulier, il importe que le transporteur soit partie à un contrat de transport et non, par exemple, une partie à un contrat de service.
Intermédiaire en service de transport ou transporteur ?
Le Code civil du Québec définit le contrat de transport comme étant le contrat par lequel un transporteur s’oblige à effectuer le déplacement d’un bien[1]. Ce contrat de transport est constaté dans un connaissement, document qui doit être remis à l’expéditeur et au transporteur initial[2].
Le législateur définit plutôt le contrat de service comme étant un contrat dans lequel une personne s’engage envers une autre à réaliser un ouvrage ou un service moyennant un prix[3].
Ainsi, l’intermédiaire en service de transport qui est mandaté pour trouver un transporteur est visé par un contrat de service puisque son rôle n’est pas de transporter le bien, mais de trouver la personne qui le transportera. Pour être visé par le régime de responsabilité particulier, il faut que l’objet central du contrat soit le transport du bien.
Les éléments ci-après décrits ne s’appliquent donc pas à l’intermédiaire en service de transport, lequel est soumis à un autre régime.
Et puis que prévoit ce régime particulier de responsabilité?
L'article 2049 C.c.Q prévoit l'obligation de résultat du transporteur. Ainsi, sous réserve de certains moyens de défense spécifiques ci-après décrits, le transporteur, ainsi que les transporteurs successifs, sont tenus de délivrer le bien à destination. Il n'est donc pas suffisant, pour le transporteur, de simplement tenter de transporter le bien à destination.
Conformément à cette même disposition, le transporteur qui n'accomplit pas cette obligation, soit en cas de perte de marchandise ou en cas de bris à la marchandise, est tenu de réparer le préjudice qui en découle. Celui-ci peut seulement s'exonérer en démontrant que le préjudice a été causé par une force majeure, un vice propre au bien ou une freinte normale.
Dans les cas où un connaissement est émis, la responsabilité du transporteur est toutefois limitée à 4.41 $/k du poids total de l'expédition. Cette limitation de responsabilité ne s'applique toute fois pas en l'absence de connaissement et dans les cas où une valeur supérieure a été déclarée au connaissement par l'expéditeur". [4]
Pas d’avis, pas de recours
De manière usuelle, en matière de responsabilité civile, un recours se prescrit par 3 ans. Dans le domaine du transport, ce délai de prescription court à compter de la délivrance du bien ou de la date à laquelle le bien aurait dû être délivré[5]. Ce délai de prescription est toutefois subordonné à l’envoi d’une réclamation écrite dans les 60 jours de la livraison du bien ou dans les 9 mois de la date d’expédition si le bien n’a pas été délivré[6]. On parle alors de déchéance du recours en cas d’absence d’avis de réclamation dans les délais prescrits par le législateur.
En d’autres mots, la personne ayant subi un préjudice occasionné par la perte ou un bris à la marchandise ne pourra réclamer une somme pour pallier les dommages subis au transporteur si l’avis n’a pas été acheminé dans les délais prescrits.
L'objectif de cet avis est d'informer le transporteur de ce qui lui est reproché et, ainsi, de lui permettre d'examiner les dommages et les éléments pertinents à sa défense [7]. Le législateur a prévu que cet avis est requis même si la perte ou le bris est apparent aux yeux du transporteur au moment de la livraison du bien. [8]
Un appel téléphonique, est-ce suffisant ?
Bien que l’article 2050 C.c.Q exige que cet avis de réclamation soit écrit, les tribunaux font toutefois preuve de souplesse dans l’application de ce critère. En effet, l’avis de réclamation peut être fait de façon verbale si la finalité de l’avis a été communiquée au transporteur et que le transporteur s’en trouve satisfait, renonçant à recevoir un avis écrit[9].
Toutefois, il importe que si l’avis a été communiqué verbalement, celui-ci doit comporter une certaine réclamation[10]. Une simple conversation ne peut constituer l’avis requis à l’article 2050 C.c.Q si le transporteur ne se sent pas tenu de réparer les dommages subis. L’avis s’apparente donc, en quelque sorte, à une mise en demeure.
Est-ce que je dois connaître l’évaluation de mes dommages au moment de l’avis ?
La jurisprudence a établi que le montant de la réclamation n’est pas un élément nécessaire à l’avis de réclamation[11]. Par conséquent, le fait que la valeur totale des dommages ne soit pas connue au moment de formuler l’avis n’est pas fatal en soi.
En effet, il importe seulement que l’avis permette au transporteur de connaître la nature et l’ampleur du bris ou de la perte afin de pouvoir effectuer son analyse des dommages et les recherches pertinentes à sa défense.
Qu’on soit expéditeur, transporteur ou destinataire, il est pertinent de garder en tête ces délais afin de préserver son droit de recours, ou dans le cas du transporteur, de soulever l’absence d’avis comme moyen de non-recevoir.
[1] Code Civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 2030;
[2] Règlement sur les exigences applicables aux connaissements, chapitre T-12, r. 6, art.3 et 9;
[3] Code Civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 2098;
[4] Règlement sur les exigences applicables aux connaissements, chapitre T-12, r. 6, annexe 1;
[5] Code Civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 2020;
[6] Code Civil du Québec, RLRQ c. CCQ-1991, art. 2050;
[7] Équipement industriel Robert Inc, c, 9061-2710 Québec Inc., 2002 Canlll 4186 (QC CS) (confirmé en appel);
[8] Équipement industriel Robert Inc. c. 9061-2710 Québec Inc., 2002 Canlll 4186 (QC CS) (confirmé en appel);
[9] Équipement industriel Robert Inc. c. 9061-2710 Québec Inc., 2002 Canlll 4186 (QC CS) (confirmé en appel);
[10] Cigna Assurance compagnie du Canada c. Gatien Transport, 1998 Canlll 9393 (QC CS); 635 7318 Canada inc. c. Transport Verville ltée, 2011 QCCS 5475 (Canlll);
[11] Code Civil du Québec, RLRQ c, CCQ-1991, art. 2050; 9, 635 7318 Canada inc, c, Transport Verville ltée, 2011 QCCS 5475 (Canlll);
Cette publication a été présentée dans le Transport Magazine.