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La sanction d’inhabilité en cas de violation du service de référence de main d’œuvre – Commentaire d’arrêt de Beaupré c. Procureur général du Québec, 2025 QCCA 1405
Publication Droit du travail et de l’emploi Litige et règlement des différends

La sanction d’inhabilité en cas de violation du service de référence de main d’œuvre – Commentaire d’arrêt de Beaupré c. Procureur général du Québec, 2025 QCCA 1405

La Cour d’appel a rendu une décision fort intéressante qui vient enrichir la jurisprudence en matière de relations de travail dans le domaine de la construction, illustrant ainsi la complexité et l’évolution constante de ce secteur, et confirmant l’importance d’une analyse rigoureuse des droits et obligations des parties.

Dans l’univers effervescent des chantiers de construction, chaque geste compte et chaque règle a son importance. Un représentant syndical se présente sur un chantier de construction pour recommander l’embauche d’un travailleur à un entrepreneur. Celui-ci refuse et une altercation éclate. L’entrepreneur ordonne à ce représentant de quitter les lieux. À la suite de cet incident, une poursuite pénale est déposée contre le représentant syndical pour avoir illégalement effectué de la référence de main d’œuvre en contravention aux articles 119.0.1 et 119.11 de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction (ci-après « Loi »).

Lors de son procès, le représentant syndical est reconnu coupable par un juge de la Cour du Québec. Ce jugement de culpabilité entraîne automatiquement son inhabilité à diriger ou à représenter une association syndicale pour une période de 5 ans suivant l’article 119.11 de la Loi.

Estimant cette sanction inconstitutionnelle, le représentant syndical avec l’appui de son association, intente un recours pour contester la validité constitutionnelle de cet article 119.11. Il soutient que la sanction d’inhabilité viole la liberté d’association, notamment, protégée par l’article 2 d) de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne (ci-après « Charte ») et l’article 12 de la Charte au motif qu’une telle sanction constitue un traitement ou une peine exagérément disproportionnée. La Cour supérieure rejette le recours, mais l’affaire est portée devant la Cour d’appel du Québec. Quelle position la Cour d’appel adopte-t-elle?

Les objectifs du service de référence de main d’oeuvre

La Cour d’appel rappelle que les articles 119.01 et 119.11 de la Loi ont été adoptés dans le but d’éliminer le placement syndical dans l’industrie de la construction. Le législateur a mis en place un service obligatoire de référence de main d’œuvre, centralisé, équitable et transparent, afin de permettre un accès juste et ordonné à l’emploi. Ce service est administré par la Commission de la construction du Québec qui veille au respect de son application. En cas de manquement, la Loi prévoit des sanctions importantes. D’une part, le contrevenant s’expose à une sanction pénale. D’autre part, une condamnation entraine automatiquement une sanction d’inhabilité à diriger ou représenter une association syndicale pour une période de 5 ans.

La portée de la liberté d’association

La liberté d’association protégée par l’article 2 d) de la Charte garantit le droit fondamental des salariés de se s’associer pour réaliser des objectifs collectifs, comme l’amélioration des conditions de travail par la négociation d’une convention collective. Une atteinte existe lorsqu’on empêche un salarié de se joindre à une association syndicale, ou encore, une loi ne permet pas de participer collectivement à la négociation d’une convention collective. Cependant, la Cour d’appel du Québec estime que l’inhabilité découle d’un comportement contraire à la Loi. Le service de référence de main d’œuvre a pour but d’éliminer le placement syndical et de prévenir les gestes de violence, de menace, et d’intimidation sur les chantiers de construction, tout en favorisant le pluralisme syndical. Les représentants syndicaux doivent agir en tout temps avec transparence, intégrité et en conformité avec la finalité du service de référence.

Le protection contre les traitements ou peines cruels et inusités

L’article 12 de la Charte garantit le droit à la protection contre tous traitements et peines cruels et inusités. L’objectif est de protéger la dignité humaine des personnes physiques à l’encontre des douleurs et des souffrances physiques ou psychologiques découlant d’un traitement ou d’une peine. La barre est très haute pour prouver une atteinte à ce droit. Dans les circonstances, les articles 119.01 et 119.11 de la Loi ne produisent pas des effets exagérément disproportionnés. La sanction d’inhabilité ne prive pas une personne de sa liberté. La personne reconnue coupable peut continuer à exercer son métier dans le secteur de la construction et participer aux activités syndicales. La Cour d’appel considère que la sanction pénale et d’inhabilité assure le respect du système de référence de la main d’œuvre et favorise la transparence et l’imputabilité des acteurs syndicaux. Dans les circonstances, de telles sanctions ne peuvent être considérées comme choquantes, odieuses ou incompatibles avec les valeurs fondamentales de la société.

Conseil pour les entrepreneurs

Dans la construction, la rigueur juridique est un gage de stabilité et de succès. Respecter le service de référence de main d’œuvre, c’est protéger son entreprise, ses équipes et la réputation du secteur.

En effet, le respect du service de référence de main d’œuvre est essentiel pour favoriser un accès équitable à l’emploi dans l’industrie de la construction. La condamnation en vertu de l’article 119.0.1 de la Loi entraîne des conséquences significatives. Toute personne ou association qui contrevient aux règles relatives au service de référence de main-d’œuvre dans l’industrie de la construction s’expose à des sanctions pénales importantes, avec des amendes variant de
2 500 $ à 12 500 $ pour une personne physique et de 7 500 $ à 37 500 $ pour une personne morale[1]. Au-delà de l’impact financier, ces infractions peuvent également mener à des mesures d’inhabilité, empêchant le contrevenant de représenter son association syndicale pendant plusieurs années. Ces sanctions visent à assurer le respect du système officiel de référence de main-d’œuvre et à préserver l’intégrité et la transparence dans l’industrie de la construction.

Les entrepreneurs doivent veiller au respect du service de référence de main d’œuvre, afin d’assurer les pratiques, la stabilité ainsi que le maintien de relations de travail transparentes, cordiales et responsables.

[1] En date du 14 novembre 2025.

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