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Le calendrier des travaux : obligation de résultat ou de moyens?
Publication Droit de la construction

Le calendrier des travaux : obligation de résultat ou de moyens?

Introduction

La récente décision Coffrage Alliance ltée c. Unigertec inc.[1] nous donne un exemple marquant de l’importance de bien encadrer les relations contractuelles entre un entrepreneur général et ses sous-traitants.

En effet, le juge au dossier, face à des pratiques contractuelles courantes dans l’industrie, doit déterminer si l’obligation des sous-traitants de respecter les délais contractuels et l’échéancier du projet en est une de moyens ou de résultat.

L’obligation de résultat force le sous-traitant à démontrer une situation de force majeure pour expliquer son défaut et en être blanchi. Moins contraignante, l’obligation de moyens n’astreint pas le débiteur à obtenir un résultat, mais à prendre les mesures raisonnables pour l’atteindre.

Contexte du litige

Le litige découle d'un projet de construction de réfection d’un bâtiment. Le donneur d’ouvrage retient les services d’un entrepreneur général, qui engage ensuite plusieurs sous-traitants dans diverses disciplines.

Dès le début du projet, des retards perturbent le chantier, entraînant une pénalité de 3,3 millions de dollars imposée par le donneur d’ouvrage. Cette pénalité est appliquée contre les demandes de paiement des sous-traitants, qui poursuivent l’entrepreneur général pour le solde contractuel et les impacts dus à sa gestion du projet.

L’entrepreneur général soutient que les sous-traitants ont une obligation de résultat et sont responsables des retards à moins qu'ils ne démontrent un cas de force majeure.[2] La Cour annonce alors devoir apprécier l’intensité de l’obligation des sous-traitants de respecter les délais contractuels à la lumière des contrats intervenus avec l’entrepreneur général.

Les contrats de sous-traitance

Comme il est commun de le faire dans l’industrie, l’entrepreneur général emploie le modèle de contrat normalisé ACC 1 – 2008[3], en y joignant une série d’annexes modifiant les conditions existantes ou ajoutant des conditions supplémentaires.

Le tribunal identifie cinq principales failles dans la manière de l’entrepreneur général d’encadrer ses relations contractuelles avec ses sous-traitants :

  • Les endroits prévus au contrat normalisé pour identifier les dates butoirs ne sont pas remplis adéquatement;
  • La liste des documents contractuels n’inclut pas un échéancier;
  • Les annexes au contrat normalisé sont imprécises en faisant référence à l’échéancier en utilisant trois termes différents, sans identifier lequel est contractuel;
  • Les annexes dénaturent le contrat normalisé et ne sont pas standardisées entre les sous-traitants;
  • L’entrepreneur général se réserve le droit de modifier l’échéancier unilatéralement et surtout, sans consulter les sous-traitants.
Le respect des délais contractuels

À la lecture des contrats de sous-traitance, le juge arrive à la conclusion qu’il n’existe pas une obligation contractuelle claire des sous-traitants de respecter les délais de construction imposés à l’entrepreneur général par le donneur d’ouvrage.[4]

Le tribunal rejette d’ailleurs la prétention de l’entrepreneur général à l’effet que les contrats de sous-traitance incorporent le contrat principal de sorte que les sous-traitants sont obligés aux échéances imposées par le donneur d’ouvrage. En effet, si tel était le cas, le tribunal indique que le sous-traitant devrait également bénéficier du contrôle sur le chantier, ce qui n’était évidemment pas le cas.[5]

Cela amène le juge à « examiner la nature des prestations pour déterminer si elles doivent être réalisées à l’intérieur d’un délai spécifique » [6].

Celui-ci reproche à l’entrepreneur général sa coordination des sous-traitants, notamment :

  • En omettant de traiter l’échéancier comme « un outil de travail dynamique qui évolue en fonction de l’avancement du chantier »;
  • En modifiant unilatéralement les accès au chantier et les lieux de travail, le tout sans égards aux plans et prévisions des sous-traitants;
  • En ignorant les demandes des sous-traitants de coordonner le travail de chacun, afin d’assurer la libération des zones de travail pour le prochain.[7]

Au final, le tribunal détermine que l'entrepreneur général est responsable de l'échéancier du projet, de l'organisation du chantier et de la gestion des sous-traitants. Les sous-traitants ne peuvent alors être tenus qu'à des obligations de moyens, à défaut d’une obligation claire de garantir un résultat.

Conclusion

Ce jugement met en lumière l’importance de conclure des contrats de sous-traitance de qualité. Le juge dresse un guide précieux pour les juristes et entrepreneurs appelés à rédiger et négocier de telles ententes. De plus, il remet en question certaines pratiques actuelles de l’industrie, eu égard aux contrats normalisés.

De plus, l’échéancier contractuel doit être un outil travaillé avec soin et soumis aux sous-traitants en amont, de sorte à pouvoir en faire la mise à jour en cours de projet et assurer une coordination adéquate. À défaut, l’entrepreneur général se met à risque de ne pas être en mesure d’opposer aux sous-traitants les pénalités ou coûts additionnels qui lui sont imposés.

Nous sommes d’avis que cette décision démontre l’importance pour les entrepreneurs généraux d’adopter de bonnes pratiques et de faire preuve de rigueur dans les étapes précontractuelles.

En terminant, cette décision fait l’objet d’un appel en Cour d’appel du Québec, ce qui signifie que les auteurs soussignés suivront de près les développements de cette affaire.[8]

 

[1] Coffrage Alliance ltée c. Unigertec inc., 2025 QCCS 989.

[2] Décision commentée, par. 20.

[3] Une nouvelle version de ce contrat normalisé, l’ACC 1CcQ – 2024, est désormais accessible et mieux adaptée aux spécificités du droit civil québécois. Notre équipe peut vous conseiller sur l’usage de ce nouveau document normalisé, selon les particularités de vos projets.

[4] Id., par. 41.

[5] Id., par. 36.

[6] Id., par. 41.

[7] Id., par. 43 à 49.

[8] Le présent article sera mis à jour selon les développements à venir et une fois que le jugement passera en force de chose jugée.

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