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Nouveau moyen de défense disponible
Publication Droit des transports

Nouveau moyen de défense disponible

En décembre 2023, la Cour d'appel du Québec a renversé le droit applicable en matière de moyens de défense accessibles à l'encontre d'un excès de vitesse[1].

Cain Lamarre était aux premières loges de ce débat, étant les procureurs qui ont débattu cette question jusqu'au plus haut tribunal de la province.

Le contexte

En 2018, le défendeur se fait intercepter, au volant d'une nouvelle voiture, et se voit émettre un constat d'infraction pour avoir circulé à une vitesse de 126 km/h dans une zone où la limite de vitesse était de 70 km/h, soit un grand excès de vitesse.

Toutefois, selon son témoignage, M. Dafinei est persuadé d'avoir roulé plus lentement que la vitesse reprochée par l'agent puisque, quelques secondes avant la captation de son véhicule, il prétend avoir regardé l'indicateur de vitesse de sa nouvelle voiture qui affichait une vitesse de seulement 112 km/h.

Ce dernier se rendra compte quelques mois plus tard, à l'aide de l'application Waze sur son téléphone cellulaire, qu'il existe une différence importante entre la vitesse calculée par l'application et son indicateur de vitesse. Pour confirmer sa découverte, le défendeur se rend chez un concessionnaire afin qu'un technicien valide ce constat sur son propre téléphone cellulaire et qu'il intègre les paramètres d'origine au système du véhicule.

Cette dernière opération a effectivement fait disparaitre l'écart entre l'indicateur de vitesse et le téléphone cellulaire par la suite.

Deux défenses sont potentiellement présentables :

  • a) Soit l'indicateur de vitesse était réellement défectueux et que la vitesse captée par l'agent était bien sa vitesse de circulation. Le conducteur indique qu'au moment où il est intercepté par les policiers, il n'avait aucune raison de croire que l'indicateur de vitesse de sa voiture neuve était défectueux. Ce moyen de défense correspond donc à une défense d'erreur de fait raisonnable.
  • b) Soit, subsidiairement, l'indicateur de vitesse est conforme et l'agent a fait erreur dans la captation de sa vitesse. Considérant la lecture contemporaine de son indicateur de vitesse, le défendeur est en mesure de présenter une défense de preuve contraire.
Le régime juridique antérieur à la décision

Depuis plus de 60 ans, l'excès de vitesse est considéré par les tribunaux partout au Canada comme étant une infraction de « responsabilité absolue », c'est-à-dire, qu'outre quelques rares cas d'exceptions, une personne pouvait être reconnue coupable d'excès de vitesse dès qu'une vitesse supérieure à la limite était constatée, et ce, même si elle n'avait commis aucune faute.

La qualification de « responsabilité absolue » empêchait donc les conducteurs d'invoquer plusieurs moyens de défense, dont celle de l'indicateur de vitesse défectueux.

Dans notre analyse historique de la jurisprudence, nous avons mis en lumière le fait que l'ensemble de ce courant de jurisprudence se basait sur une décision datée de 1976[2]. Cette dernière décision souffrait de certaines lacunes, car son syllogisme était en marge d'une décision phare de la Cour suprême du Canada, soit l'arrêt Sault-Ste-Marie, rendue 2 années plus tard.

Toutefois, les tribunaux canadiens avaient continué d'appliquer le précédent de 1976 sans actualiser la réflexion autour de cette question, et ce, depuis environ 60 ans.

Décision de la Cour d'appel

S'appuyant sur les enseignements de la Cour suprême du Canada, la Cour d'appel du Québec reconnait par le jugement entrepris que l'excès de vitesse ne sera plus qualifié d'infraction de « responsabilité absolue», mais bien d'infraction de « responsabilité stricte», réaffirmant ainsi la présomption voulant que les infractions pénales statutaires soient de responsabilité stricte.

Il faut comprendre toute l'importance de ce grand changement.

Grâce à la décision de la Cour d'appel du Québec, les conducteurs accusés d'excès de vitesse disposent dorénavant de plusieurs moyens de défense. Ainsi, les défenses de diligence raisonnable et d'erreurs de fait raisonnables peuvent maintenant être soulevées pour tenter de prouver leur innocence.

De plus, bien que cette décision serve aujourd'hui de cadre juridique applicable au Québec, il est fort probable que les effets s'étendent sur un horizon pancanadien.

En l'espèce

Au regard des faits en présence, la Cour d'appel du Québec conclut qu'un expert aurait dû témoigner des défectuosités constatées à l'aide des données de GPS sur l'application Waze et écarte donc la preuve d'une défectuosité à l'indicateur de vitesse. La Cour considère le véhicule comme étant conforme.

Considérant l'aveu du conducteur à l'effet qu'il croyait rouler à 112 km/h dans une zone de 70 km/h, la Cour d'appel du Québec reconnait la culpabilité du défendeur quant à l'infraction d'avoir circulé à une vitesse supérieure à 70 km/h, sans établir la hauteur de l'excès en question. Pour cette question, elle renvoie le dossier devant la Cour du Québec pour analyser la défense subsidiaire de preuve contraire et déterminer la peine applicable[3].

 

[1] Dans l'arrêt Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Dafinei, 2023 QCCA 1596.
[2] R. c. Hickey, (1976) 29 C,C,C, (2d) 23 (Ont. Div. Ct.).
[3] Ce dossier est toujours en suspens.
 

Cette publication a été présentée dans le Transport Magazine.

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