en
 aux 4 coins du Québec

Aucun résultat trouvé pour

Accueil
...
Publications
Vous savez pourquoi je vous intercepte aujourd’hui ?
Publication Droit des transports

Vous savez pourquoi je vous intercepte aujourd’hui ?

Motifs d'interception et droit au silence

En tant que conducteur de véhicule lourd, il arrive de manière récurrente d'être soumis à certains contrôles routiers lors d'un déplacement. Saviez-vous que ce pouvoir d'interception n'est pas sans limite ?

Les articles 97, 102 et 636 du Code de la sécurité routière (ci-après « CSR ») accordent de larges pouvoirs aux agents de la paix en leur permettant d'exiger à un automobiliste de s'immobiliser et de s'identifier pour un motif prévu au CSR ou à la Loi concernant les propriétaires, les exploitants et les conducteurs de véhicules lourds (ci-après « LPECVL »). Cependant, la jurisprudence est claire, l'interception doit être liée à la conduite d'un véhicule et non comme un prétexte à d'autres fins.

En arrière-plan de ce large pouvoir accordé aux agents de la paix se trouve l'article 73 du Code de procédure pénal (ci-après « Cpp ») qui prévoit qu'une personne peut refuser de s'identifier « tant qu'elle n'est pas informée de l'infraction alléguée contre elle ».

En effet, une décision récente de la Cour Municipale[1] a acquitté une défenderesse ayant, aux yeux des policiers, refusé de fournir à l'agent de la paix en question une pièce d'identité. Dans les faits, la conductrice était immobilisée dans un espace de stationnement d'un restaurant où elle dégustait une crème glacée en compagnie de son amie. Lorsque les policiers sont arrivés, ils demandent à la défenderesse de s'identifier. Celle-ci interroge les agents sur les raisons qui motivent leur interception. Les agents considèrent que ses questionnements ont constitué une entrave à leur travail, les justifiant de lui remettre un constat d'infraction en vertu de l'article 638.1 CSR. Le juge n'a pas été du même avis. Ce dernier rappelle que le pouvoir d'interception prévu au CSR doit être relié à une obligation ou une interdiction qui se retrouve dans celui-ci ou dans la LPECVL. En l'espèce, puisque la défenderesse était stationnée, aucun motif au sens du CSR n'entrait en jeu. De plus, le juge précise que l'article 73 Cpp accorde à la défenderesse le droit d'interroger les policiers sur les raisons motivant leur interception. Ce questionnement ne constitue pas une entrave au travail du policier au sens de l'article 638.1 CSR puisqu'il ne rend pas le travail du policier plus difficile. Le juge précise que le fait de poser une question ou de prendre son temps pour exécuter une demande ne constitue pas, en soi, une entrave au sens de l'article 638.1 CSR.

Fréquemment, après l'identification auprès de l'agent de la paix, suit l'énoncé des droits, dont notamment le droit de consulter un avocat. Cette pratique est surtout présente en matière criminelle. En effet, en matière pénale statutaire, dont notamment pour une infraction prévue au CSR, la jurisprudence[2] a reconnu que le droit à l'avocat n'est pas obligatoire dans ce contexte. Il n'en demeure pas moins que toute personne conserve son droit de consulter un avocat suivant la réception d'un constat d'infraction.

Au surplus, un droit fondamental qui ne doit pas être mis de côté par les policiers, contrairement au droit à l'avocat en contexte de sécurité routière, est le droit au silence. En effet, outre pour l'identification, un conducteur a le droit de conserver le silence, droit lui permettant d'éviter de s'auto-incriminer lors d'une interception.

Ceux ayant eu la malchance de s'être déjà fait intercepter par un agent de la paix ont fort probablement déjà entendu la fameuse phrase :
« Vous savez pourquoi je vous arrête? ». Voilà l'exemple typique d'un moment où le droit au silence devrait être exercé. Cette phrase constitue souvent, pour le policier, une petite séance de pêche aux informations. Or, si le conducteur répond « je ne sais pas », le policier est limité au motif l'ayant mené à l'interception. Échec et mat !

De plus, malgré qu'il existe des protections lorsqu'un défendeur est contraint de répondre à des questions, il est préférable de seulement divulguer l'essentiel au policier. En effet, il est plus facile d'explorer les différentes défenses et de les soumettre à la poursuite en aval que d'être limité dans sa défense par certains éléments incriminants exprimés au policier lors de l'interception.

Ne rien dire ne limite donc pas le droit du défendeur à une défense pleine et entière, et ne limite donc pas la possibilité d'être acquitté.

Et si vous avez le droit de connaître le motif de votre interception avant de vous identifier et que vous bénéficiez également du droit au silence, n'oubliez pas qu'il demeure pertinent d'être courtois avec l'agent de la paix lors d'une interception. Le savoir-être n'a jamais nui lors de l'émission d'un constat d'infraction.

 

[1] Ville de Montréal c. El Yakout Bousksou, 2023 QCCM 31

[2] R. c. Orbanski; R. c. Elias (C.S. Can., 2005-06-16), 2005 CSC 37, par. 33

 

Cette publication a été présentée dans le Transport Magazine.

Autres publications
80

Notre expertise à votre service.

Contactez-nous dès aujourd'hui pour rencontrer l'un de nos professionnels.