Imaginez un camion lourd traversant un pont avec une limite de poids bien définie. Le conducteur, malgré des années d'expérience et des formations multiples, se retrouve en infraction. Pourquoi ?
Dans une décision récente, la Cour municipale de Rosemère a condamné l'exploitant du mouvement de transport ainsi que le conducteur d'un véhicule lourd pour avoir circulé sur un pont interdit aux véhicules lourds. Les deux défendeurs ont invoqué la diligence raisonnable à titre de moyen de défense.
L’utilisation d’un GPS personnel ainsi que le « Répertoire des limitations de poids provincial » (ci-après : le « Répertoire ») sont au cœur de cette affaire. La leçon à retenir est claire : suivre son GPS aveuglément est insuffisant pour se prévaloir d’une défense de diligence raisonnable.
Qu’est-ce que la défense de diligence raisonnable ?
La défense de diligence raisonnable permet à un défendeur de prouver qu'il a agi avec prudence et précaution, même si l'infraction est avérée. Pour réussir à invoquer cette défense, le défendeur doit démontrer qu'il a pris toutes les mesures raisonnables pour éviter l'événement reproché. Cela implique de suivre les normes en vigueur, et de faire tout ce qu’une personne raisonnable ferait dans les mêmes circonstances pour respecter la loi.
Dans le cadre d'activités réglementées, telles que l'exploitation ou la conduite de véhicules lourds, le fardeau de la preuve est plus exigeant. Il est raisonnable de supposer que les personnes exerçant dans des domaines règlementés nécessitant l’obtention de permis soient conscientes des règles applicables et les ont acceptées.
Le tribunal examine divers critères tels que la probabilité et la prévisibilité de la répétition de l'acte reproché, la gravité de ses effets, la capacité de la partie défenderesse à gérer le risque, ainsi que la conformité de sa conduite aux règlementations et normes de l'industrie.
Quels sont les comportements à adopter pour faire preuve de diligence ?
Dans l'affaire examinée par la cour municipale, l'exploitant du mouvement de transport a mis en place un système pour garantir le respect de ses obligations. Une tablette, contenant la liste des clients et l'itinéraire à suivre pour les livraisons, est mise à la disposition du conducteur du véhicule. Il est important de noter que la tablette n'est pas configurée pour un guidage automatique; cette option doit être activée par le conducteur lui-même.
En plus d'une formation lors de l'embauche, des évaluations régulières, des filatures et des tests surprises sont effectués pour s'assurer du respect des obligations par les conducteurs. Ces derniers sont réprimandés lorsqu'ils n'utilisent pas la tablette conformément à la politique de l'entreprise.
Cependant, comme la tablette fournie n’est pas assez rapide, le conducteur du véhicule lourd utilise plutôt l’application GPS sur son téléphone personnel. Ni la tablette ni le GPS n'indiquaient que le pont était interdit à la circulation des véhicules lourds.
Dans ce contexte, le tribunal doit déterminer si les deux défendeurs ont fait preuve de diligence raisonnable. Le juge répond par la négative à cette question.
Bien que présent, la preuve révèle que le système de contrôle mis en place par l’exploitant du mouvement de transport est insuffisant. En effet, ce dernier ne consulte pas le Répertoire pour établir les itinéraires de livraison. Il ajuste plutôt les trajets au fur et à mesure, en supprimant ceux où des contraventions ont été données. Cette approche passive est contraire au comportement d’une personne diligente agissant dans un milieu règlementé.
Malgré qu'un système de gestion préalable des conducteurs soit en place, aucune mesure de contrôle n’est exercée à postériori. L’exploitant doit être en mesure de vérifier si la tablette est utilisée par le conducteur alors que, dans le cas présent, celui-ci utilise le GPS de son téléphone personnel de manière courante. En outre, l’option de guidage sur la tablette est facultative et ne verrouille pas la liste des clients, permettant ainsi aux conducteurs de ne pas l'utiliser.
Un autre aspect crucial de cette affaire est la formation des conducteurs. Bien que l'exploitant ait mis en place des formations lors de l'embauche et des évaluations régulières, celles-ci n'étaient pas suffisamment adaptées au contexte de l’infraction. Le manque de formation adéquate a contribué à l'infraction, car le conducteur n'était pas suffisamment préparé pour naviguer efficacement et éviter les routes interdites.
En résumé, il ne suffit pas pour l’exploitant de mettre des mesures en place; il faut également que celles-ci soient adaptées et que l’exploitant s’assure de leur suivi et de leur contrôle.
De son côté, le conducteur du camion ne peut se décharger de sa responsabilité en affirmant que son GPS ne mentionnait aucune restriction sur le pont emprunté. En tout état de cause, jamais le GPS ne dispense le conducteur de prendre connaissance de la signalisation qui se trouve sur son parcours. Si le GPS est un outil utile, il ne remplace pas le jugement du conducteur.
Notons que le juge par ailleurs souligne que le Répertoire est un outil gratuit et facilement accessible qui recense les différentes restrictions sur le réseau routier du Québec.
Conclusion
La défense de diligence raisonnable dans un milieu réglementé ne consiste pas à soulever une excuse.
Les conducteurs et les entreprises de transport doivent prendre toutes les précautions nécessaires pour éviter les infractions.
La consultation des outils gouvernementaux disponibles et la formation adaptée au contexte sont des éléments cruciaux pour assurer la conformité.
En fin de compte, la vigilance et la proactivité sont les clés pour naviguer dans le labyrinthe des réglementations routières et garantir la sécurité de tous les usagers de la route.
Cette décision rappelle que la diligence raisonnable nécessite des efforts constants et une vigilance accrue. Les entreprises de transport doivent adopter une attitude proactive pour éviter les sanctions et garantir la sécurité sur les routes.
Cette publication a été présentée dans le Transport Magazine.
