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Selon vous : clause d’indemnité additionnelle ou clause pénale ?
Publication Droit de la construction

Selon vous : clause d’indemnité additionnelle ou clause pénale ?

Jugement commenté : Haus Construction Design inc. c. Gestion Globale Bourque inc., 2025 QCCS 1370
Le contexte

Dans un jugement rendu le 25 avril 2025, la Cour supérieure s’est prononcée sur la validité d’une clause permettant au client de mettre fin unilatéralement au contrat. Cette clause prévoyait qu’en cas de résiliation, le client devait verser à l’entrepreneur une indemnité forfaitaire équivalent à 25 % de la valeur des travaux restant à exécuter.

Un client et un entrepreneur ont conclu un contrat d’entreprise pour la construction d’un immeuble de six logements. À un moment donné, le client a décidé de mettre fin au contrat en transmettant à l’entrepreneur un avis de résiliation, en s’appuyant sur une clause du contrat.

À la réception de cet avis, l’entrepreneur, en se référant à la même clause, lui a réclamé un montant à titre d’indemnité additionnelle. Le client a contesté cette réclamation. Selon lui, la clause n’a aucun effet juridique, car elle constituerait une clause pénale. De plus, celle-ci serait abusive.

En raison d’une mésentente, les parties ont soumis leur différend à la Cour supérieure, afin que celle-ci détermine si la clause en question est une véritable indemnité additionnelle ou plutôt une clause pénale.

La clause

La clause litigieuse au contrat est libellée comme suit :

RÉSILIATION PAR LE CLIENT
G 3.2
Résiliation unilatérale
Le client peut, de façon unilatérale et sans aucun motif, résilier le présent contrat en transmettant un avis écrit de la résiliation à cet effet à l’entrepreneur. Lorsque le client exerce son droit à la résiliation unilatérale, il doit payer à l’entrepreneur, les frais et dépenses actuelles, la valeur des travaux exécutés et la valeur des biens fournis, le tout en date de la résiliation du contrat.

De plus, le client devra payer à l’entrepreneur une indemnité additionnelle équivalente à vingt-cinq pour cent (25 %) de la valeur des travaux qui restent à exécuter en date de la résiliation, en sus de tout autre préjudice que l’entrepreneur pourra subir, à titre de pénalité. Pour les fins des présentes, le contrat sera réputé résilié à la date indiquée à l’avis de résiliation.

Les principes juridiques

La Cour supérieure se réfère aux dispositions pertinentes du Code civil du Québec en matière d’interprétation de contrat. Ces dispositions enseignent qu’il faut notamment examiner la nature du contrat, les mots utilisés et déterminer l’intention des parties (art. 1425 et 1426 C.c.Q.). Au sujet de la clause pénale (art. 1622 C.c.Q), celle-ci peut être définie comme une clause par laquelle les parties prévoient à l’avance une compensation monétaire à payer si une partie ne respecte pas son obligation découlant du contrat. Autrement dit, la clause pénale doit avoir pour objet une faute contractuelle.

En matière de contrat d’entreprise, le client peut décider de mettre fin au contrat en tout temps, même si les travaux ont déjà débuté (art. 2125 C.c.Q). Ce droit de résiliation est discrétionnaire. En effet, le client n’a pas à expliquer ou à motiver sa décision, ni à prouver une faute de l’entrepreneur. Lorsqu’il met fin au contrat, le client doit indemniser l’entrepreneur en lui payant la valeur des travaux exécutés, les frais et dépenses engagés, ainsi que la valeur des biens ou matériaux fournis (art. 2129 C.c.Q). Quant à l’entrepreneur, il doit rembourser au client les avances reçues qui dépassent ce qui lui est dû.

L'analyse de la Cour supérieure

La Cour supérieure estime qu’elle doit qualifier la clause afin d’en interpréter correctement sa portée. Pour faciliter la compréhension, produisons une portion de cette clause :

« De plus, le client devra payer à l’entrepreneur une indemnité additionnelle équivalente à vingt-cinq pour cent (25 %) de la valeur des travaux qui restent à exécuter en date de la résiliation, en sus de tout autre préjudice que l’entrepreneur pourra subir, à titre de pénalité ».

Selon le tribunal, le texte de la clause est clair et ne soulève aucune ambiguïté. Celle-ci découle d’un contrat valide. La preuve révèle que les parties la comprennent. Elles admettent que la valeur des travaux qui restaient à exécuter s’élève à 1 300 000 $. Le montant de l’indemnité additionnelle s’établit donc comme suit : 1 300 000 $ x 25 % = 325 000  $.

La Cour supérieure note qu’il n’existe aucun manquement contractuel de la part de l’entrepreneur. La résiliation découle plutôt du droit du client de mettre fin au contrat. Dans ce contexte, et malgré le mot « pénalité » dans la clause, la Cour conclut que celle-ci ne peut pas être qualifiée de clause pénale. Les parties avaient convenu de prévoir à l’avance une indemnité additionnelle en cas de résiliation, dans le contexte d’un contrat librement négocié. Elles avaient le droit de le faire. Afin de déterminer la nature de la clause, celle-ci doit être interprétée en fonction d’un ensemble de facteurs, notamment :

  • le comportement des parties ;
  • les termes de la clause dans son ensemble ;
  • l’intention des parties ;
  • la preuve, par exemple, l’absence de faute contractuelle par l’entrepreneur ;
  • les dispositions pertinentes du Code Civil du Québec.
Le jugement de la Cour supérieure

Après avoir tenu compte de la clause, de la preuve et des principes juridiques applicables, la Cour supérieure conclut que la clause est valide et exécutoire. Elle qualifie la clause d’indemnité additionnelle. La preuve révèle que le montant de l’indemnité additionnelle se chiffre à 325 000 $. Il faut déduire à ce montant, l’acompte de 50 000 $ versé et détenu par l’entrepreneur. La Cour supérieure condamne donc le client à lui payer une somme de 275 000 $.

Notons que le client a porté le jugement en appel. La Cour d’appel du Québec a toutefois confirmé intégralement le jugement de la Cour supérieure sur l’ensemble des points analysés par celle-ci (Gestion Global Bourque inc. c. Haus Construction Design inc., 2025 QCCA 1325).

Les recommandations

Ce jugement illustre l’importance de connaître les règles applicables pour bien qualifier la portée juridique de clauses contractuelles.  En tant qu’entrepreneur, vous devez porter une attention particulière à la rédaction des clauses de résiliation dans vos contrats. Le jugement de la Cour supérieure confirme que vous pouvez négocier et inclure une indemnité forfaitaire raisonnable pour protéger vos investissements en cas de résiliation unilatérale par le client.

Avant de signer un contrat, nous vous invitons à nous consulter afin de vous assurer que vos clauses contractuelles puissent avoir les effets juridiques voulus, en conformité avec les exigences du Code civil du Québec. Une clause soigneusement rédigée et conforme peut faire toute la différence. Des procédures judiciaires peuvent alors être évitées.

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